Hallucination en hypnose
L’hallucination en hypnose est un outil que j’utilise très souvent en cabinet. Qu’elle soit visuelle, gustative, kinesthésique ou encore auditive, elle permet une grande variété de combinaisons qui aide grandement à immerger et faire vivre une hypnose très interactive et créative au client. Toutefois il n’est pas rare que je rencontre des collègues praticiens n’étant pas familiers avec l’utilisation de ces effets hypnotiques dans leurs séances. J’ai même pu constater une certaine forme de scepticisme quant à l’existence même de ces effets. Pour d’autres, l’utilisation d’effets comme l’hallucination viendrait d’une profondeur de transe à obtenir: une hypnose dite profonde qu’il faudrait absolument apprendre à maîtriser pour avoir accès à ce genre d’effet. Personnellement je ne me suis jamais soucié de ce genre de concept, qui, je pense, crée beaucoup de peur et d’incompétence chez le praticien, à l’idée de tester avec le client. Je pense que ce genre d’effet devrait impérativement faire partie de la boîte à outils de tout hypnothérapeute. Et pour cause, ils sont extrêmement simples à obtenir et sont, pour moi, l’essence même de l’hypnose. Mon parcours est un peu particulier: j’ai commencé par utiliser l’hypnose en autodidacte et de façon ludique avec des amis ou des volontaires dans la rue. C’était pour moi un terrain d’expérimentation qui me paraissait (et me paraît toujours) inépuisable en matière de combinaison et d’utilisation des effets hypnotiques. Catalepsie, distorsion du temps, hallucination, amnésie…. le tout juste pour vivre un moment sympa. Et pourtant, je ne connaissais pas les profondeurs de transe et je n’avais qu’un seul livre d’hypnose de rue pour me guider.
Puis je me suis intéressé à la thérapie et j’ai suivi l’enseignement de Jordan Vérot au CHN de Nice. Mon entrée dans le monde de la thérapie fut très déroutante dans un premier temps, car je rencontrais beaucoup de thérapeutes extrêmement doués et motivés, mais pour qui ces effets n’avaient pas été étudiés en formation. En discutant avec d’autres praticiens, j’ai pu sentir qu’il pouvait y avoir une certaine peur de l’échec à (rater) faire une hallucination (ou autre effet) et de perdre en crédibilité vis à vis du client. J’entends souvent le discours où il est question d’un pourcentage de personnes qui ne pourrait pas vivre l’hallucination en hypnose.
Dans la rue, sur les personnes que vous allez tester, seulement 30% sont prêtes à vivre l’hypnose. Je pense que ceci résulte d’un manque de cadre propice à suivre vos consignes et instructions: le bruit, le manque de temps, une trop grande surprise par rapport à votre demande… A l’ouverture de mon cabinet, mon sentiment était: “wow, je vais avoir une heure complète de confort et de calme pour faire vivre à tout le monde des choses extraordinaires.” Mon but a toujours été de rendre facile d’accès l’état de transe et les phénomènes hypnotiques à mes clients.
Si les facilitateurs sont couramment utilisés pour les inductions, ils le sont moins en ce qui concerne les effets. Je vais donc partager avec vous quelques petits tips très simples qui vous permettront de donner accès à l’hallucination à votre client.
=> Voici un exemple de facilitateur pour une hallucination auditive:
Praticien: Je vais vous demander d’être très attentive aux bruits qui vous entourent.
Cliente: Oui
Praticien: Vous savez, la faculté à entendre les sons est beaucoup plus développée en hypnose.
Cliente: Oui
Praticien: Je vais vous demander d’écouter les bruits autour de nous. Vous entendez le bruit des voitures dans la rue?
Cliente: Oui
Praticien: Et maintenant le bruit des gens qui parlent en dessous du cabinet?
Cliente: Oui j’entends ça.
Praticien: Le bruit de l’eau qui passe dans les radiateurs?
Cliente: Oui
Praticien: Et le bruit de ma montre (c’est ici que je place mon facilitateur, je n’ai pas de montre et je me suis assuré que ma cliente non plus, donc aucun bruit de montre).
Cliente: Oui je l’entends.
J’ai donc créé une hallucination qui n’a pas de rapport direct avec le travail, mais qui est une porte ouverte pour aller plus loin dans ce sens.
=> De la même façon, pour créer une hallucination visuelle en cabinet, je vais procéder comme ceci:
Je m’assure de mettre en place une catalepsie des paupières pendant la phase d’induction, qui me servira plus tard. Quand la personne est sous hypnose depuis un petit moment avec les yeux fermés (cinq minutes suffisent), je lui donne cette consigne:
Praticien: Dans un instant, je vais vous demander d’ouvrir les paupières, ceci va être très difficile (catalepsie du début de séance, l’ouverture difficile des paupières va demander un effort oculaire qui va rendre la vision compliquée dans un premier temps. Je donne dans ma voix un sentiment d’effort dans l’intonation). Et quand vos paupières s’ouvriront enfin, tout vous semblera très lumineux et vous constaterez que la couleur du papier peint a changé, elle est blanche à présent. (Ici c’est complétement normal que la luminosité soit aveuglante pour le client, il a les paupières fermées depuis plusieurs minutes, mais cette confusion va pouvoir suggérer l’hallucination du papier peint qui a changé de couleur).
L’effort demandé pour ouvrir les paupières, et l’éblouissement naturel deviennent mes deux facilitateurs vers l’hallucination.
A présent voyons ensemble, à travers deux applications en cabinet, comment utiliser l’hallucination.
Dans le premier exemple, la cliente vient me voir pour une peur des aiguilles (médicale, vaccination, prise de sang). La perte de contrôle arrive toujours au moment où l’aiguille approche de la peau. Mon but dans cette séance va être de désensibiliser la peur à un niveau où la cliente pourra réagir de façon plus contrôlée sur cette peur. Vous pouvez trouver l’explication complète par Jordan Vérot, je vous conseille de regarder la vidéo sur le sujet sur sa chaîne Youtube (“Hypnose et phobie à stimulus simple”) , avant de poursuivre l’article.
J’utilise cette méthode en lui ajoutant l’hallucination visuelle. La cliente est entre deux ouvertures des paupières, à peu près à mi-chemin entre l’écran de mon ordinateur où une vidéo de vaccination tourne en boucle, et le mur de mon cabinet derrière elle. Et quand elle referme les paupières, je lui dis ceci:
Praticien: Dans un moment, je vais lever votre bras et au moment où il montera, votre vue se troublera de plus en plus. Plus je lève votre bras et plus votre vue se trouble. A trois, vous ouvrirez les paupières. Un, deux, trois.
La cliente ouvre les paupières et je lève son bras.
Cliente: C’est fou, je ne vois plus l’écran.
Praticien: Je vais descendre votre bras et la mise au point va pouvoir se faire. Là, c’est mieux?
Cliente: C’est encore un peu flou.
Praticien: Très bien, je pense que vous allez pouvoir faire la mise au point beaucoup mieux toute seule en levant votre bras.
Je continue le désensibilisation, mais cette fois c’est elle qui gère sa vision et donc son approche progressive de l’écran d’ordinateur. Et la sensation de reprise de contrôle est encore plus forte. Je m’assure par la suite que la cliente ne garde pas l’ancrage de vision trouble hors état d’hypnose.
Avec le second exemple de séance, je travaille avec l’hallucination visuelle, kinesthésique et auditive. Un client vient me voir pour un trouble de l’érection: depuis plusieurs mois il me dit ne plus avoir aucune érection, quelque soit la stimulation. L’entretien tourne en rond et je décide de tester quelque chose.
(Induction/fractionements)
Travail en hypnose (j’ai testé préalablement l’hallucination comme dans le tips ci-dessus).
Praticien: Dans un instant, vous ouvrirez vos paupières et au moment où vous les ouvrirez, dans cette pièce vous aurez une vision, une vision vraiment excitante. A mon signal, ouvrez les paupières (je peux constater les yeux écarquillés et le sourire de mon client).
Praticien: C’était comment?
Client: Bien!! J’ai vu de très belles femmes nues ici, dans votre cabinet.
Praticien: Vous voulez aller plus loin?
Client: Oui
Praticien: OK, cette fois, en plus de voir, vous allez pouvoir entendre et même sentir le contact. Ouvrez les paupières.
Cet exemple peut paraître un peu saugrenu, mais c’est une demande courante en hypnose. Et je trouve qu’elle illustre très bien le côté très direct de la mise en pratique de l’hallucination. Et le retour de mon client plusieurs semaines après est très positif.
Je suis conscient que ce type de séance peut soulever des questions concernant le travail sur le symptôme, et non la cause. Personnellement, je ne prends pas ces idées tirées de la psychologie, qui voudraient qu’un déplacement de symptôme viendrait gâcher la réussite d’une telle séance. D’ailleurs, je ne suis ni psychologue, ni psychiatre ou autre. Je suis hypnothérapeute, hypnotiseur et j’utilise l’hypnose et les effets hypnotiques dans mon travail, tout simplement.
Bien sûr, certaines séances demanderont plus de travail et la mise en place d’une stratégie plus élaborée, mais si je peux travailler simplement avec juste l’hypnose, c’est que mon travail d’hypnothérapie a été mené efficacement.
J’espère que cet article vous a plu et surtout qu’il vous donnera envie de tester cette approche dans votre cabinet! Vous pouvez retrouver ce genre de travail sur le effets hypnotiques dans mes deux livres “Dans la tête d’un praticien volume 1 et 2”
Jérémy Cauliez